Presse-2011-04-PureCharts
- Pure Charts - Du mardi 26 avril 2011
Rencontre avec Catherine Lara
Elle restera dans l'histoire de la musique comme l'éternelle "rockeuse de diamant" : Catherine Lara revient cette année avec son vingt-troisième album, "Une Voix pour Ferré", un nombre qui force le respect. Pure Charts a rencontré cette grande dame au franc-parler et à la joie de vivre contagieuse.
Bonjour Catherine, comment est né ce disque hommage à Ferré ?
C’est une très vieille histoire qui va au-delà de la musique, Léo Ferré était au-delà des normes. C’était un homme au grand cœur et au caractère bien trempé, qui aimait la vie et qui faisait de vraies belles chansons. Des chansons qui nous donnaient des frissons et beaucoup d’émotion. Un jour en pleine nuit, je me suis réveillée en me disant : « Et si je reprenais Léo ». C’était devenue en quelques secondes une évidence. J’ai eu dès lors envie de reprendre ses chansons parce que le personnage et ses morceaux me plaisaient beaucoup. Evidemment je ne pouvais pas tout chanter, certaines de ses chansons étant faites pour être chantées par des hommes. Et puis, je ne voulais pas faire un copier-coller. Beaucoup de chanteurs l’ont déjà fait et se sont cassés les dents dans des versions plombées. Alors j’ai décidé d’emmener cet album au-delà des mots, au-delà des territoires, vers la World Music. On a mélangé les violons des pays de l’Est si chers à mon cœur, des rythmes andalous qui m’ont rappelé mes origines… Avec mon guitariste, on a essayé de garder cette densité mais en amenant une dose d’optimisme, de gaîté, et puis on a fait cet album de manière assez sereine, parce qu'avec le temps, va tout va bien.
On est loin ici de l’univers de la "Rockeuse de diamant". Catherine Lara serait-elle devenue plus sage, plus raisonnable ?
Je ne serai jamais raisonnable. La vie nous joue des tours et nous amène, qu’on le veuille ou non, vers la sagesse. Mais je déconne et je me marre toujours autant. Je serai encore capable de vous faire un album de rock. Vous savez dans la vie, il y a des vieux de 20 ans, des vieux de 50 ans, et des très jeunes de 60 balais. La musique est hors du temps ; dans notre société on n’a pas le droit d’être jeune, pas le droit d’être vieux, c’est assez pénible. L’âge c’est dans la tête ! Les oppositions c’est une spécialité française.
Quand on lit les critiques plutôt dithyrambiques sur votre album, on voit souvent apparaître la notion de "Grande Dame" de la chanson pour vous qualifier. Ca fait quoi, Catherine Lara, d’être une "Grande Dame" de la chanson ?
Plus que la critique, ce qui me fait plaisir c’est que les mômes me respectent. Je croise souvent des petits rappeurs qui me demandent des nouvelles de mon violon ! Je trouve ça très sympa. Que l’on reconnaisse mon travail c’est une chose, que l’on reconnaisse ma sincérité en est une autre. J’ai toujours essayé de faire passer des émotions, une énergie, d’être vraie. Tout en étant pudique et honnête. Alors si les gens m’apprécient et qu’à travers moi les mômes ont envie d’aller réécouter Léo ce sera gagné. C’est quand même triste que les mômes ne connaissent pas Bécaud ou Gainsbourg par exemple ! Il fait être curieux ! J’écoute Diam's, Grand Corps Malade, Akhenaton et pourtant je n'ai plus vingt ans. Il faut écouter toutes sortes de musiques ! Il faut écouter Mozart, il faut écouter Solaar, il faut écouter Zazie...
Lara Fabian a repris votre chanson "Nuit Magique" dans son album "Toutes les femmes en moi", qui se veut être un hommage à ses chanteuses préférées. L’avez-vous entendu et qu’en avez-vous pensé ?
Je la trouve très bien, Lara a une magnifique voix. C’est une grande chanteuse, je suis très flattée et j’ai beaucoup de respect pour son travail. Mais vous savez, un soir j’étais en boîte au Queen à Paris, pour dire le nom, et là le DJ passe une version remixée et électro de "Nuit Magique". J’étais ravie ! Heureuse que l'on puisse danser sur ma musique. Ils font chier les puristes, les intégristes ! J’ai vu des critiques sur le fait que je reprenne Léo... Attendez Léo c’est pas le bon Dieu non plus, c’est Léo avec ses qualités et ses défauts. J’ai pris des risques en faisant cet album, j’en ai fait un album apatride, un peu comme Léo l’était.
Catherine, vous avez remporté une Victoire de la Musique en 1986, vous avez écrit pour Barbara, Maxime Le Forestier. Quel est votre plus beau souvenir de carrière ?
J’en ai tellement... Mais sans aucun doute, notre concert aux Francofolies de la Rochelle sur la scène de St Jean d’Acre. Il faisait un temps pourri, les conditions météorologiques étaient désastreuses ! Nous étions avec Véronique Sanson, Maurane, et les 10000 personnes présentes sont restées avec leur parapluie pour nous écouter. C’est un moment très fort dans une carrière. C’était une vraie galère, mais quel bonheur !
Et votre pire souvenir ?
Celui-là est douloureux. J’étais numéro 1 en France et au Canada, avec mon album "Graal". Nous devions monter le spectacle avec deux gros financiers coréens et Gérard Louvin. Ce spectacle nécessitait 5 millions de dollars. Nous étions en train de répéter à Montréal. Les coréens nous ont lâchés à 3 jours de la première. Ils nous avaient menés en bateau depuis le début. Il nous fallait trouver 2,5 millions de dollars en 48h. Autant dire que c’était impossible. En repartant pour la France, en route vers l’aéroport, il y avait des affiches partout. Et je me souviens très bien dans le taxi, nous suivions un bus, et à son cul... l’affiche du spectacle. Outre le show, c’est beaucoup de gens que nous devions employer et qui du coup, étaient laissé de côté du jour au lendemain. J'en garde un souvenir terrible.
Dans la nouvelle génération, quels sont les artistes qui ont votre préférence ?
J’aime bien la petite Zaz : elle est authentique, elle chante des chansons bien écrites, c’est assez chouette… Moins connue, j’aime bien L aussi.
Que diriez-vous aux artistes homosexuels, mais qui ne l’assument pas auprès du grand public ?
C’est le choix de chacun. J’ai toujours fait le choix de la sincérité, je veux que les gens m’aiment comme je suis. J'en ai parlé dès le début de ma carrière. Pour la première fois cette année, j’ai posé avec mon amie dans "Paris Match". En parler, c’est le meilleur moyen de banaliser. Je ne m’attendais pas à ce que tout le monde en parle. J’ai une vie très normale, très simple. On est en 2011 quand même ! Mais qui que vous soyez, ou quoi que vous soyez, vous ne serez jamais totalement heureux tant que vous ne serez pas totalement assumé. Moi je parle d’amour, les médias parlent d’homosexualité, chacun voit les choses comme il le veut. J’ai préféré parler très tôt d’homosensualité, j’aime une personne, pas un sexe. Je vis depuis 17 ans avec une femme et notre vie est très heureuse et tout à fait normale.
Avant de nous quitter, auriez-vous une petite anecdote sur cet album ?
Pas une, j’en ai des milliards. Avec Pierre Jacquot, nous nous connaissons par cœur et on se marre beaucoup. On adore les jeux de mots. Ainsi, la chanson "C’est extra" de Léo était devenue, à force d’en parler, "Cette estrade". Cet album a été créé dans un fou rire continu !Alexandre JOULIE