1985 - Scènes
- 13 octobre 1985 à la La Courneuve
On ne peut pas ne pas être concerné par la famine parce que c'est un sujet grave et qu'il y a des mômes qui crèvent. Moi, je rêvais de réaliser une chose comme ça et que ce soit arrivé, c'est extraordinaire. Il y a pas que le côté triste, il y a aussi le côté merveilleux de l'histoire qui est de se trouver avec plein de chanteurs et de faire une fête pour quelque chose. Ce concert prouve que les gens sont moins légers qu'on le croit.
Quand on nous a appelés pour faire le disque, personne ne savait ce qui se passerait et que ça marcherait aussi fort. Il se trouve qu'on est au concert parce qu'on va au bout du voyage et qu'on a complètement confiance dans l'entreprise. Pouvoir servir à un petit quelque chose même si on est un grain de sable dans un désert, mais savoir qu'il y a plein de grains de sable qui vont constituer une dune d'amour.
C'est le beau côté de l'histoire...
Catherine Lara - Cool magazine - Novembre 1985
… « Un après midi, je vois à la télévision un reportage de la NNC, sur Korem, ce camp où cinquante mille personnes s’étaient réfugiées à la suite de la grande famine qui régnait en Ethiopie. Je me suis assisee et j’ai regardé ça, les larmes aux yeux. Je me disais : « Ce n’est pas possible, ces gens sont à quelques heures d’avion de chez nous et on les laisse mourir de faim ! » Je me suis demandé ce qu’on pouvait bien faire pour recueillir de l’argent et j’ai commencé à en parler autour de moi. Mais j’avais des contrats à honorer et je ne pouvais pas m’investir comme je l’aurais souhaité. L’hiver est arrivé ; à Noël, nous avons vu à la télé le clip de la chanson « Do They Know It’s Christmas ? » Interprété par le Band Aid, soit les plus grandes stars de la pop anglophone de l’époque, à l’initiative de Bob Geldof et au profit de l’Ethiopie. Là, je me suis dit : « Il faut qu’en France nous fassions la même chose ».
J’ai aussitôt appelé Higelin et Jean-Louis Aubert en leur demandant d’écrire un morceau. J’aurais pu le faire moi-même, mais je pensais que ce serait plus facile de mobiliser les médias si l’auteur était quelqu’un de plus célèbre que moi. Un mois plus tard, rien n’avait été fait. Alors quelqu’un m’a conseillé de solliciter Renaud. Je ne le connaissais pas du tout, nous nous étions juste croisés une fois. Et voilà comment le disque des Chanteurs sans frontières à été initié.
Par la suite, toute la structure de Renaud a pris l’histoire en main. Nous nous sommes retrouvés en studio pour enregistrer la chanson qu’il avait composée. »
Pages 297 et 298 du livre de Valérie Lagrange
« Mémoires d’un temps où l’on s’aimait » paru chez « Le prè aux clercs » janvier 2005.
- Du 6 au 11 Février 1985 - Zénith de Paris
Catherine LARA au ZENITH… C’est presque un pléonasme ! C’est tellement évident ! Une grande, une immense salle pour écrin, c’est la suite logique d’une trajectoire sans faille, qui a conduit Catherine d’un petit bijou –le théâtre des Champs-Élysées’, grand souvenir !, au –Cullinan-, le plus gros diamant du monde… 3106 carats bruts s’il vous plaît, au Zénith –du 6 au 11 février 1985.
Comment voulez-vous qu’il en soit autrement pour la rockeuse de diamants ? En fait, vous avez sûrement remarqué vous aussi à quel point tout ce que Catherine touche paraît évident… « La rockeuse de diamants », qu’elle en ait fait un tube passe, mais qu’elle en fait un phénomène de société, là, c’est déjà moins banal ! La mode s’en est emparée, les médias ont suivi et les rockeuses cuir et strass ont fleuri sur le boulevard...
- Catherine Lara au Zénith de Paris
Quel mouvement provoquera le nouvel album de ce petit bout de femme qui se décrit avec une belle justesse comme « rockmantique » ? Huit titres, ciselés à son image par Élisabeth Anaïs qui, de titre en titre approfondit sa connaissance du sujet à en donner le vertige. C’est un peu comme si elle dévoilait Catherine encore mieux qu’elle en se dénuderait elle-même. Belle osmose !
Jamais agressive, mais toujours énergique dans sa tendresse débridée , Catherine a enregistré un album-cinéma. Elle s’est glissée dans les peaux d’espionnes, de Don Juane, d’héroïne de série noire, d’espagnole de feu… Movie, movie.
A l’écouter, cet album se reçoit violemment. Il déclenche des images. Pas de doute là-dessus, en enfilant son costume de cuir Catherine a retrouvé sa vraie nature. L’enfant intrépide, dissipée (elle dit : « infernale ») s’était assagie dans l’étude de la musique classique (« mon passage à vide » corrige-t-elle), s’était dépersonnalisée à l’étude des profs, des adultes… mais elle ne pouvait pas se laisser bouffer plus longtemps par l’éducation, et là voilà qui reprend son droit chemin de gémeaux, expulsant ses violences à grands coups d’énergie, (attention ne l’imaginez pas en train de distribuer des coups de poing à tout ce qui bouge autour d’elle… L’énergie, chez Catherine, est canalisée profonde, proche des Arts Martiaux… !)
Moralité : c’est en quinze jours qu’elle a composé toutes ces chansons ! Comme brûlée du dedans et dévorée par la nécessité de les sortir. Parce qu’entre Catherine et la musique, il y a des rapports physiques. Ce n’est pas un hasard si elle a jeté son dévolu sur le violon plutôt que sur le piano, par lequel elle a commencé l’étude de la musique comme toutes les petites filles bien élevées. Le violon lui est naturel, c’est imparable.
« La rockeuse » s’est envolée dans les hits parades, bravo ! Et maintenant ? Maintenant, il y a le pari le plus ambitieux de sa carrière : le Zénith. Peur ? Avec la plus Lara des franches malhonnêtetés, elle jure que oui ! Mais rien ne la stimule davantage que cette angoisse de se retrouver comme une mini-mouche perdue dans le West Side qui lui a tracé son décorateur (celui de Godart) : Jean Bauer. Elle se réchauffera aux 4000 spots que lui cède son prédécesseur dans les lieux –Jonnhy Hallyday- et, au milieu de ses neuf musiciens, toutes de sensualité éclatée, elle donnera à son public ce qu’il attend : une Lara à qui le succès a gonflé le cœur… pas la tête.
Michèle Dokan
"Comme tout le monde, j'ai eu ma période de délire. Le Zénith, il fallait que je le fasse. Ça m'a donné plein de joies. Mais à présent, finie l'escalade aux mammouths et aux gamelles (entendez : les projecteurs). Pourquoi pas faire du Cecil B. de Mille aussi, pendant qu'on y est? Ce qui me touche le plus quand je vais voir d'autres artistes, c'est la simplicité. Le juste dosage entre énergie et tendresse. Un équilibre que je crois avoir atteint."
Catherine Lara - Journal France Soir - Eté 1986
- West Side Story 85
« Je démarre le Zénith deux jours après Johnny, qui va me laisser quelques gouttes de sueur et… ses éclairages. Comme nous avons le même producteur, j’hérite d’absolument tout l’équipement de lumière de son spectacle. Ca va être grave!… Il y aura un décor très fou, très rock. C’est Jean Bauer, longtemps le décorateur de Godard, qui l’a conçu pour moi. Je ne voulais pas totalement dévoiler la surprise, mais disons que ce sera une sorte de West Side Story 85. Tu sais, quand on démolit une maison, il y a des bouts de murs qui restent comme ça, avec des morceaux de vie accrochés aux parois, une cheminée, des papiers peints, un poster… Voilà, ce sera ma toile de fond sur 25 mètres. Il y aura des miroirs par terre pour faire des flaques d’eau, une grille avec de la fumée, des bagnoles cassées, une grosse boule de démolition qui volera au-dessus de la salle… Le grand délire! » ça c’est pour le décor…
« Il y a deux filles qui vont danser avec moi. Elles sont de ma taille, l’une est japonaise, l’autre black : ça donnera la jaune, la blanche, la noire. Et puis, parmi les danseurs, il y en a qui ont des gueules incroyables. Mais ils ne seront pas intégrés pendant tout le spectacle. Quand je chante, je veux qu’on me voit, moi ; quand c’est à eux de danser, il faut qu’on les voit, eux. Je crois qu’en voulant enrichir une chanson par une chorégraphie, on a souvent tendance à l’appauvrir, au contraire, parce que cela disperse l’attention du spectateur, qui, finalement, ne sait plus où donner des yeux ni des oreilles. Sur les deux heures que durera le spectacle, il n’y aura pas plus de six interventions chorégraphiques, mais je veux qu’elles soient très bien faites ».
Catherine Lara pour Chanson Magazine Février 1985
Lara la passionaria
Dans cet univers de désolation, Catherine Lara chante et danse toute sensualité dehors, un peu comme une magnifique mégère apprivoisée. Ses cheveux gris, ses traits coupés au couteaux, son air volontaire sont adoucis par ce sourire rentré qui la rend attirante. Comme une diablesse jaillissant de sa boîte, avec l’énergie d’une pile survoltée, Lara aime aussi provoquer des mélanges détonants. Dernière union en date consacrée par cette rockeuse à la griffe musicale inattendue, celle du rock et du flamenco. Télescopés dans son dernier album « Flamenrock ».
Si elle s’extériorise un maximum c’est parce qu’elle est dévorée par la vie et par la musique avec laquelle elle entretient des rapports privilégiés depuis 1972.
Elle aime aussi surprendre son public : il lui arrive parfois de commencer son spectacle par « Les quatre saisons de Vivaldi » puis sans transition, d’enchaîner sur du rock.
Violente Catherine Lara ? parce qu’elle enfilerait une combinaison de cuir noir ? Intrigante plutôt, exaltante, épuisante… Scintillante ! Gourmande et éternellement pressée. Excessive par moments. Le cœur en écharpe, Catherine Lara ne se lasse pas de pousser un peu plus loin le bouchon. C’est pour son côté « entier » qu’on la prend en affection.
Xavier Jacquard
Le soir Illustré février 1985
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